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Le Nouveau Centre Orne
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31 juillet 2008

Conjoncture : le réel et le ressenti

imagesstatPartout, nous pouvons lire et entendre que le moral des ménages est au plus bas, le pouvoir d’achat en berne, les soldes d’été un cru très mitigé, l’inflation qui atteint des niveaux inégalés depuis la décennie 80, bref que la conjoncture économique est difficile pour tous, ce qui ne manque pas de se traduire dans les cotations macro-économiques, sur la perception par les citoyens et consommateurs de leurs responsables politiques.

Certes, tout cela est vrai ! Pourtant, comme en toute chose, il faut distinguer le réel du ressenti. L’article de Claire Guélaud paru dans le journal Le Monde du 16 mai dernier est éclairant sur le sujet. Lisez plutôt…

[…] « Le moral des ménages n'a jamais été aussi mauvais, alors que l'économie française se porte plutôt bien. La croissance 2007 a été moins "molle" qu'on ne le prédisait, et le premier trimestre 2008 s'est révélé franchement bon. A quelques accidents mensuels près, le chômage recule depuis plus de deux ans. Quant au pouvoir d'achat, il a nettement accéléré l'an dernier, quel que soit l'indicateur choisi.

Ce hiatus persistant entre l'état réel de l'économie et sa perception par les ménages qui sont aussi des électeurs - et ils ont sévèrement sanctionné la droite aux élections municipales – a quelque chose de dérangeant. Il renvoie à l'histoire des mentalités, à la psychosociologie, au peu d'estime d'eux-mêmes des Français, dont les instituts de sondage ne finissent pas d'explorer la morosité. On ne peut s'en tenir pour autant à ces seules explications, aussi fondées puissent-elles être. Si les ménages ont de l'économie une vue très éloignée de la réalité, ce n'est pas (ou pas seulement) parce que les Français, comme les médias, auxquels ce travers est souvent reproché, n'aiment pas parler des trains qui partent à l'heure et se complaisent, par crainte de la globalisation, dans une lecture décliniste de l'histoire. L'économie, on le sait, repose sur des indicateurs chiffrés, dont la construction et, parfois, la pertinence peuvent être discutables. Elle est aussi affaire d'interprétations et de communication politique. Et c'est probablement en croisant l'ensemble de ces facteurs que l'on peut rendre compte de l'écart entre ce qui est mesuré et ce qui est perçu.

Prenons la croissance, par exemple. Au moins deux départements de l'Insee, les comptes nationaux et la conjoncture, et plus d'une vingtaine d'instituts ou d'organismes de recherche la mesurent régulièrement. Que nous disent-ils ? Que la croissance est "molle" ou "douce" et peine à dépasser les 2 %. Ces dernières années, les premières estimations de la progression du PIB ont accrédité l'idée d'une atonie économique. Mais toutes ont été revues à la hausse et ce, à hauteur de 1,1 point entre 2005 et 2007. Cela ne fait pas de la croissance française une croissance à la chinoise ou à l'indienne, mais doit conduire, au minimum, à un diagnostic plus nuancé sur l'état de l'économie.

De mémoire de statisticien public, l'année 2005 a été la pire en matière de révision. "Fin mars 2006, explique Fabrice Lenglart, responsable du département des comptes nationaux de l'Insee, la croissance 2005 est estimée, dans les comptes trimestriels, à 1,4 %. En mai, le compte annuel provisoire la donne à 1,2 %. Un an plus tard, en mai 2007, le compte annuel semi-définitif la révise à 1,7. Elle vient d'être établie définitivement à 1,9 %". "Les comptes nationaux passent leur temps, par construction, à réviser leurs chiffres, à mesure qu'ils engrangent les données plus précises. C'est la règle dans tous les pays européens", ajoute-t-il. Cette situation a de quoi désorienter l'opinion publique qui, abreuvée de chiffres, peine à démêler l'important de l'accessoire.

Le même scepticisme prévaut sur l'emploi et le chômage. Les mésaventures de l'Insee avec son enquête emploi ou les querelles de chapelles entre l'Unedic, l'ANPE et le ministère de l'emploi, qui produisent des statistiques portant sur des champs différents (avec ou sans les salariés agricoles, avec ou sans les entreprises de moins de dix personnes etc.), ont obscurci le débat dans un domaine éminemment politique où les gouvernements successifs sont suspectés, souvent à bon droit, de vouloir tripatouiller les chiffres pour accentuer la baisse du chômage ou minimiser sa hausse.

Les Français ont du mal à se convaincre de la réalité de l'amélioration du marché du travail ? Quoi d'étonnant ! Ils ont connu trente années de chômage massif, mesurent le temps mis par leurs enfants à trouver une insertion durable et constatent, malgré les discours lénifiants du patronat, que les entreprises ne sont pas mieux disposées à l'égard des seniors qu'elles ne l'étaient au début des années 1990. A ces raisons de douter s'en ajoutent d'autres, probablement très prégnantes, qui tiennent à la déstabilisation du contrat à durée indéterminée (CDI), à la multiplication des formes dites atypiques d'emploi (contrat à durée déterminée, temps partiel, intérim etc.), à l'augmentation du nombre de travailleurs pauvres installés dans l'emploi précaire. Or pour tout un chacun, un vrai emploi, cela reste un CDI à temps plein...

Quant au pouvoir d'achat, sa mesure n'en finit pas de susciter des polémiques. Le directeur général de l'Insee, Jean-Philippe Cotis, trouvera peut-être le moyen de les apaiser, mardi 20 mai, en présentant de nouveaux indices. Ils devraient permettre de mieux évaluer les disparités de niveau de vie dans lesquelles l'emploi précaire joue un rôle majeur.

Une moyenne, enfin, donne par définition une indication de tendance sans rendre compte de la variété des situations. En 2007, l'accélération du pouvoir d'achat a été nette : + 3,3 % pour le revenu disponible brut des ménages, et + 2,4 % par unité de consommation, un chiffre qui reflète davantage l'évolution individuelle.

Cela n'empêchera pas les quelque 40 % de salariés payée entre 1 et 1,6 smic de se sentir à bon droit beaucoup plus mal lotis que le moins bon des traders lorsqu'ils font leurs courses ou le plein d'essence. La mondialisation s'accompagne, dans tous les pays industrialisés, d'un sentiment accru d'inégalités, la France ne fait pas exception à la règle. Et l'hystérésis - la persistance d'un phénomène quand cesse la cause qui l'a produit - souvent importante en économie, joue aussi dans la représentation qu'on s'en fait. »

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